Pour un local de douches

Jean Collardey, responsable de l’équipement technique de Zouerate, raconte un épisode significatif : « Pour l’anecdote, le seul accrochage sérieux que nous ayons eu en janvier 1973 fut provoqué par l’annonce inattendue de la visite très prochaine du président du Sénégal, Mr Léopold Sedar Senghor. Ishac Ould Ragel s’avisa alors, ce qui était vrai, que la MIFERMA n’avait pas prévu de douches pour le personnel ouvrier. Je précise que notre société avait prévu et réalisé un réseau de distribution d’eau potable alimentant tous les logements, ce qui nous paraissait tout à fait suffisant. En fait nous avions tort au regard de la règlementation des mines françaises qui prévoit l’obligation d’un local de douches pour tous les ouvriers travaillant au contact de la substance exploitée. Le fait que notre mine soit exploitée à ciel ouvert ne pouvait en rien justifier une dérogation à ce règlement. Ishac Ould Ragel se refusait (il avait raison !) à montrer au président du Sénégal une installation minière présentant une telle lacune et exigea de la société dont j’étais localement le représentant la construction d’un local de douches (pour 75 ouvriers, si mes souvenirs sont exacts). Nous disposions pour cela d’un délai inférieur à 3 semaines. Or, si cette demande était justifiée, sa réalisation était impossible dans un tel délai : il fallait établir un projet, dessiner les plans du gros œuvre et des réseaux (électricité – eaux, assainissement etc..), commander et faire expédier d’Europe le matériel nécessaire, traiter la construction avec un entrepreneur et… construire, procéder aux essais de réception, etc. Ishac Ould Ragel m’objecta que la MIFERMA disposait de moyens d’action quasi illimités, qu’elle avait su fort bien mettre en œuvre en 1964 suite à un grave accident technique qui avait pratiquement arrêté la production. Mais il s’agissait de remplacer un équipement important détruit par un incendie et la société n’avait alors pas hésité à faire venir d’Europe, par avion, des centaines de tonnes de matériels divers (transporteurs à courroie, éléments de charpente et d’électricité). L’installation de tout cela avait pu être réalisée par nos propres équipes. Une telle opération avait quand même duré plus d’un mois malgré nos « moyens illimités ».

La visite du président Senghor eut lieu et, bien sûr, on ne lui montra pas ce qui n’existait pas. Mais J’avais eu beaucoup de mal à convaincre mon interlocuteur de l’irréalisme de sa demande. Je repris l’avion pour Paris et, après estimation du coût, obtention de la ligne de crédit nécessaire, nous lançâmes l’opération « douches ». Le bâtiment en question fut mis en service quelques mois plus tard à l’été 1973. »