Un engagement sans faille au service de son pays
Dès son baccalauréat, plutôt que de revenir tout de suite parmi les siens et d’exercer un métier lucratif, Ishac a fait le choix de poursuivre des études supérieures en France, avec la volonté d’acquérir des connaissances et des compétences qui lui permettraient de participer à l’émancipation et au développement de la Mauritanie. Ils n’étaient à l’époque que quelques-uns à avoir effectué ce choix, dans des domaines variés : économique, médical, militaire… Pour Ishac, c’étaient clairement les sciences et les techniques qui le passionnaient. Il considérait notamment qu’il avait le devoir d’utiliser les compétences qu’il avait acquises pour les mettre au service de son pays puisqu’il était à l’époque un des rares mauritaniens à avoir obtenu un diplôme d’ingénieur.
Cette génération de diplômés s’est trouvée en position de participer de près ou de loin à tous les événements qui ont marqué l’histoire contemporaine de la Mauritanie jusqu’à la fin du 20e siècle. Au sein de ce groupe de dirigeants, Ishac apparaît comme atypique, restant constamment attaché à un souci d’efficacité et à sa passion pour l’industrie et les mines, se tenant tant que faire se peut à l’écart des prises de position politiques partisanes.
Ceux qui sont encore là ont tous témoigné de cette volonté farouche et de cet engagement indéfectible d’Ishac au service de son pays, avec les qualités de simplicité et d’honnêteté qui ont marqué tous les témoins.
Une passion pour les ressources du sous-sol de la Mauritanie
Toute au long de sa carrière, Ishac a eu la conviction forte que les ressources potentielles du sous-sol de la Mauritanie constituaient un atout pour son développement, et que sa mission était de les mettre en évidence et de les valoriser.
Dès son retour de Nancy, il rejoint le ministère des Mines. Comme Directeur, puis comme Ministre, il s’attache à lancer des travaux de recherche et la réalisation d’une cartographie géologique précise couvrant l’ensemble du territoire.
Après deux mandats passés à la tête de deux entreprises d’État, tout en conservant des responsabilités d’administrateur, il revient au ministère des Mines. Il dirige la Société des Mines d’Akjoujt jusqu’en avril 1989 et prend la direction de l’OMRG dont il avait imaginé la structure et les fonctions en 1976 lors de son premier mandat ministériel et qui fut créé officiellement en 1980. Il donne alors une nouvelle impulsion au secteurs minier et pétrolier, en lançant des recherches tous azimuts. Il est convaincu que les structures géologiques favorables et les indices recueillis sont les garants de ressources significatives et prend son bâton de pèlerin pour faire passer cette conviction en Mauritanie comme à l’international et trouver des financements. Il considère qu’il n’y a pas de raisons pour que la Mauritanie ait si peu de ressources exploitables autres que le fer et le cuivre alors que dans les pays voisins on trouvait de l’or ou du pétrole et il profite de tous les contacts qu’il peut avoir pour recueillir des informations et tenter de convaincre.
Il fait ainsi preuve d’une très grande ténacité, dont certains diront qu’elle frise l’obstination. Mais ses projets se concrétisent dès 1998, alors même qu’il entame son deuxième mandat ministériel. Ceux qui l’ont accompagné dans cette période (notamment les jeunes géologues El Hachemy Cheikh Sidaty, Soueidatt Samory et Ibrahima Wane, ou Ngaide Lamine Kayou son prédécesseur au ministère des mines…) en gardent un souvenir fort.
On notera au travers de cette passion majeure et de cette volonté le souci permanent de réalisme opérationnel manifesté par Ishac : c’est sur le terrain que les choses se font, et il n’hésite pas à y accompagner ses collaborateurs. Il remettra cent fois son ouvrage sur le métier pour enfin obtenir l’implication d’acteurs miniers en mesure de financer les projets de Tasiast, d’Akjoujt, ou les forages pétroliers sur le plateau océanique.
Son action essentielle à la tête de son ministère et des différents postes qu’il a occupés fut toujours de se donner le maximum de moyens pour balayer en profondeur les possibilités géologiques et minières de la Mauritanie ; il était convaincu qu’un jour son pays s’en sortirait grâce à une découverte majeure.
Le tennis comme propédeutique de la vie
Le tennis est manifestement un aspect important de la vie d’Ishac. Il a en effet entretenu avec ce sport une relation qui a duré toute sa vie d’adulte, puisqu’il aurait commencé à le pratiquer dès ses premières années de vie étudiante à Paris. C’est lui qui fonde en 1982 la Fédération mauritanienne de tennis.
Au-delà du principe « un esprit sain dans un corps sain », on peut penser qu’Ishac voyait dans le tennis une véritable propédeutique de la vie. Ce sont plusieurs traits de sa personnalité qui se révèlent au travers de cette pratique.
Dès son retour en Mauritanie à la fin de ses études, Ishac cherche à intégrer le Racing de Nouakchott, ce qui n’était pas facile car il fallait être « introduit » et parrainé par un européen. Le tennis était en effet alors quasi exclusivement un sport d’expatriés. Mais Ishac voulait déjà « casser les codes », donner une image de modernité, et peut-être aussi se prouver quelque chose à lui-même.
Au tennis, il n’y a plus ni costume ni boubou, ni attache tribale ou ethnique, ni fossé générationnel. Chacun est lui-même face à la balle et à l’adversaire du moment, mais aussi dans les moments conviviaux où l’on échange sur tout sans fard.
C’est un sport qui convient bien à son caractère de nomade combattant, tenace, qui ne lâche jamais, mais qui respecte les règles.
Dans les dernières années de sa vie et jusqu’à ce que la maladie l’en empêche, il joue encore et fréquente le Racing.
Une synthèse entre tradition et modernité
Ishac a assimilé tous les codes de la société occidentale, sans pour autant rejeter ceux de ses origines. Ses proches le considèrent comme un vrai musulman, très attaché à l’Islam, qui a toujours aidé les gens, tout le monde, sans distinction.
Ses relations professionnelles le voient comme un homme enjoué, ouvert et accueillant, cultivé et intelligent, passionné par son pays tout en étant conscient de ses difficultés, confiant dans l’avenir tout en étant respectueux de ses coutumes et traditions. Mais il rejette formellement toute discrimination liée à l’origine, la classe sociale, l’âge ou la culture, s’efforçant de maintenir avec les autres des relations équitables, simples, fidèles et directes.
Ses efforts pour introduire la pratique du tennis dans la vie mauritanienne procèdent de cette volonté de partage et de synthèse entre cultures.
Attentif et chaleureux quand il reçoit d’anciens camarades, il est heureux de leur montrer ce qu’il ressent, comme la beauté profonde de son pays en les emmenant dans sa petite maison aux portes du désert avec quelques chameaux dont il leur fait goûter le lait avant de les emmener pour une promenade à pied dans les dunes où ils voient le vent effacer leurs traces de pas et remodeler le sable après leur passage, sentant vaciller leurs repères familiers. De même qu’il déconcerte un ingénieur français avec qui il a collaboré de nombreuses années en lui demandant à l’occasion d’échanges amicaux sur leurs familles si ses enfants, devenus adultes, lui donnent de l’argent en compensation du fait qu’il les a élevés, nourris, et qu’il a payé leurs études.
Cette alliance dynamique entre tradition et modernité a toujours été une facette caractéristique du personnage, propre à interpeler et à faire réfléchir ses interlocuteurs.
Nos contacts approfondis avec une bonne cinquantaine de personnes qui ont fréquenté Ishac, collègues, famille, partenaires, amis, nous ont apportés un grand nombre de témoignages et de réflexions sur sa personnalité.
Avec notre subjectivité d’anciens camarades, nous avons tenté de brosser ce portrait tel qu’il ressort de l’ensemble des témoignages que nous avons pu recueillir.